Bien souvent, c’est en situation de conflit que l’on cherche à s’informer et à se former sur des solutions possibles. C’est pourquoi certaines personnes se tournent vers la Communication Non Violente (CNV) dans ces moments-là.
Lors du stage auquel j’ai participé, nous étions nombreuses à être des enseignantes. Que ce soit entre enseignants, avec les élèves, les parents, les intervenants ou encore l’inspection, la communication est au cœur de notre métier.
Mais la CNV n’est pas une solution magique !
C’est un langage qui s’apprend et qui prend du temps à intégrer.
C’est une façon d’accueillir les messages des autres, d’écouter et de s’écouter, de coopérer en toute en situation.
C’est un art de vivre au quotidien, une manière de penser, de s’exprimer et d’entrer en relation.
La CNV offre un processus en plusieurs étapes, une marche à suivre pour communiquer avec bienveillance. Vous pouvez télécharger la synthèse de cet article sous format PDF.
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- Un autre regard pour apprendre à coopérer
- Vérifier son intention : créer une communication et une relation de qualité
- Nouer un lien empathique : identifier et exprimer des besoins
- Faire une demande : chercher à répondre aux besoins de chacun
- Et si la demande aboutit sur un non ? Accueillir un refus avec bienveillance
- Et si je veux dire non à la demande de l’autre ? Savoir refuser avec bienveillance
Cet article fait suite à deux premiers textes : « CNV : être au clair et en paix avec soi-même (1) » et « CNV : l’empathie ou l’art d’écouter (2) ».
J’ai écrit cette série de trois articles suite à la lecture d’ « Enseigner avec bienveillance » de Marshall Rosenberg, le créateur de la Communication Non Violente, et d’un stage de 6 jours, animé par Catherine Gunther, formatrice certifiée en CNV.
Un autre regard pour apprendre à coopérer
Objectif et intention
La démarche en Communication Non Violente a pour but de créer des relations de qualité : des relations respectueuses, harmonieuses et sereines. Pour cela, il s’agit d’apprendre à communiquer de manière authentique et pacifique.
Elle permet de prévenir les disputes et de transformer les conflits en dialogues constructifs.
Cette communication s’appuie sur l’expression de soi-même tout autant que sur la compréhension de l’autre.
C’est apprendre à s’écouter sans nier l’autre, à écouter l’autre sans se nier. C’est un va et vient entre les deux, une « danse », un équilibre.
On ne cherche pas qui a tort ou qui a raison. L’intention est que tout le monde soit gagnant.
Le langage employé est différent. Il n’est pas utilisé pour juger, étiqueter, exiger mais pour prendre conscience de nos sentiments, de nos besoins et de nos responsabilités. Il nous sert à coopérer.
Les besoins au cœur du dialogue
La Communication Non Violente se fonde sur l’idée que chaque humain nourrit un besoin par sa propre stratégie.
Le conflit entre les personnes se situe au niveau des stratégies (les actions entreprises) et non au niveau des besoins.
La situation n’est qu’un déclencheur. Des sentiments sont exprimés. Des besoins ne sont pas satisfaits. Ce sont en réalité les besoins qui expliquent les sentiments.
« Lorsque tu laisses tes vêtements dans le salon au lieu de les emporter[observation], je suis de mauvaise humeur [expression] car j’ai besoin de plus d’ordre dans les pièces que nous partageons[besoin précisé].» Marshall Rosenberg
Par le dialogue, les besoins vont pouvoir être identifiés et exprimés. Ainsi, les échanges se poursuivront pour trouver une solution qui satisfasse les besoins de chacun.
Coopérer et non imposer
En CNV, on construit un pouvoir avec l’autre et non un pouvoir sur l’autre. On ne recherche pas l’obéissance mais la compréhension, la coopération.
« Nous voulons que les gens agissent parce qu’ils voient combien leur vie en sera enrichie. » Marshall Rosenberg – Enseigner avec bienveillance
C’est une intention qui interroge les relations enseignant/élève.
Un élève apprend par la contrainte dès lors qu’il le fait par peur d’être puni, par désir de recevoir une récompense, ou encore parce qu’il a vaguement l’impression de « devoir » le faire, d’y être « obligé ».
Le langage en CNV contribue à motiver les élèves par le sens qu’ils donnent aux apprentissages.
En Communication Non Violente, les termes « il est obligatoire », « c’est interdit », « il faut », « vous devez », « faites-le » sont considérés comme dangereux.
Eichmann lors de son procès pour crimes de guerres : « Les autres officiers nazis et moi-même, nous appelions notre langage l’Amtssprache. C’est un langage par lequel on refuse la responsabilité de ses actes. Ainsi, si quelqu’un vous demande pourquoi vous avez agi comme vous l’avez fait, vous répondez : « Il le fallait. » – Pourquoi le fallait-il ? – Ce sont les ordres, c’est la loi… » ibid
Les trois chapitres suivants vous dévoilent les conditions nécessaires pour un dialogue apaisé et constructif.
Vérifier son intention : créer une communication et une relation de qualité
En situation de conflit, tout particulièrement, il est important d’être au clair avec soi-même avant d’engager le dialogue. Un temps de réflexion différé permet de clarifier ce qui se passe en soi et de pouvoir ensuite discuter de manière plus apaisée.
Voici succinctement les 3 questions à se poser :
1. Quels sont les faits observables, ici et maintenant ? Quand…
2. Quels sentiments cela fait naître en moi ? Je me sens …
3. Quels besoins ne sont pas satisfaits et qui me font réagir comme cela ? parce que j’ai besoin de …
Pour en apprendre davantage, je vous invite à lire l’article concerné et à télécharger le PDF.
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A l’issue de ce processus d’auto-empathie, je vérifie mon intention avant d’aller m‘exprimer:
– Soit je suis toujours en colère, je veux dire à l’autre ses 4 vérités, lui faire des reproches, faire des revendications, le culpabiliser, imposer : dans ce cas, je reprends le processus d’auto-empathie.
Je défoule mes pensées, je traduis mes jugements en sentiments et besoins pour aller plus loin dans la clarification de la situation et de la manière dont je la vis et je veux la vivre.
Voici un exemple de communication dont l’intention est de culpabiliser :
« « ça me fait vraiment de la peine que tu ne fasses pas ton travail. » ou « Tu m’agaces lorsque tu parles en même temps que moi. » Vous jouez au jeu de la culpabilité lorsque vous essayez de convaincre les autres qu’ils sont la cause de votre souffrance. » ibid
– Soit je suis au clair et en paix avec moi-même, je veux préserver une relation sereine et respectueuse : dans ce cas, l’expression authentique de moi-même ainsi que l’écoute empathique envers l’autre sont possibles.
Une intention sincère est la clé d’une relation et d’une communication de qualité.
Nouer un lien empathique : identifier et exprimer des besoins
Prendre le temps de créer la connexion
Après avoir clarifié mon intention, la deuxième étape est de créer une connexion avec mon interlocuteur. Il est nécessaire de prendre le temps de créer cette connexion, de nouer une relation authentique avant d’aller plus loin et de lui adresser une demande.
Il s’agit pour cela d’apporter une écoute centrée sur les sentiments et les besoins de l’autre. C’est ce qu’on appelle l’empathie. Cette posture particulière est décrite en détail dans le deuxième article de la série.
Je suis dans une écoute silencieuse, sans jugement. Je reformule ses propos en sentiments et besoins pour lui montrer que je suis en phase avec lui. Je propose des sentiments et des besoins pour l’aider à y voir plus clair. Je ne sais pas pour lui alors je questionne : « est-ce que tu te sens… ? » plutôt que « je sens que tu … ». Je fais confiance à la personne pour qu’elle trouve en elle ce dont elle a besoin.
Il peut y avoir plusieurs besoins en même temps mais un seul est prioritaire.
Une fois que mon interlocuteur s’est senti compris, respecté, écouté, il sera à même de m’écouter, à son tour. Je peux alors exprimer, de façon authentique, mes sentiments et mes besoins.
Attention aux critiques !
« Voyez-vous tant que ce lien n’est pas établi, tant que vous n’avez pas entendu ses sentiments et les besoins de l’autre et tant que celui-ci n’a pas entendu les vôtres, si la moindre exigence ou critique entre jeu, ce sera la guerre et aucune solution ne sera possible. » ibid
Si nous voulons qu’une personne change de comportement, la première chose à faire est de lui indiquer clairement et sincèrement, d’une manière qui n’implique aucun reproche, que nous comprenons pourquoi elle agit comme elle le fait. Quand les autres ne perçoivent aucune critique de notre part, ils n’ont pas besoin de consacrer toute leur énergie à se défendre. Ils peuvent commencer à envisager d’autres options.
C’est la qualité de la connexion qui permet le véritable dialogue vers la satisfaction des besoins de chacun.
Faire une demande : chercher à répondre aux besoins de chacun
A ce stade, votre intention est claire et sincère : vous souhaitez une communication de qualité.
Vous avez également créé un lien empathique avec votre interlocuteur : vous connaissez les besoins de l’un et l’autre.
A l’issue de cet échange, qui s’est centré sur les sentiments et les besoins, vient le temps de la demande.
Deux questions à se poser
Avant de formuler votre demande, il est important de répondre à ces deux questions : Que voulez-vous de l’autre, et plus important encore, que voulez-vous qu’il ait comme motivation pour agir ?
Les 3 types de demande
- Vous demandez à votre interlocuteur de reformuler pour vérifier s’il vous a compris.
- Vous vérifiez s’il y a bien connexion, si la communication est de qualité. « Qu’est-ce que tu ressens quand je te dis ça ? ». Si ce n’est pas le cas, prendre encore du temps pour montrer que le lien vous importe davantage que le résultat auquel vous aspirez.
- Lorsque la connexion est établie et que la relation est de qualité, vous pouvez demander une action pour ou avec vous. « Es-tu d’accord pour … ? », « Ça te dirait de … ? »
Les critères de la demande d’action
– Présentez-la comme une demande et non comme une exigence. Autrement dit, la demande est négociable, je suis capable d’accepter un non. Les exigences conduisent à des réactions de défense et de refus, alors que les demandes ont plus de chances d’être entendues et acceptées.
« Tant qu’il vous verra comme une donneuse d’ordres, il s’opposera à ce que vous lui demandez ou il le fera avec une énergie qui ne sera bonne pour personne. Les humains résistent aux ordres. » ibid
– La demande est précise et concrète, réaliste et réalisable de votre point de vue, et située dans le temps.
– Demandez ce que vous voulez plutôt que ce que vous ne voulez pas.
Si la personne entend qu’elle ne doit pas faire quelque chose, il est probable qu’elle continue à le faire, ou qu’elle cesse au risque de le faire payer à tout le monde par la suite.
– Préférez « j’ai besoin de … » plutôt que « j’ai besoin que tu … ». Avec la deuxième formule, le besoin n’est pas clairement exprimé. « J’ai besoin de …. Serais-tu d’accord pour… ? »
La danse du dialogue
Le dialogue qui va suivre a pour but de trouver une solution qui satisfasse les besoins de chacun. La première demande ne sera peut-être pas acceptée. La solution se trouvera alors à deux !
Et si la demande aboutit sur un non ?
Accueillir un refus avec bienveillance
Mon expérience personnelle m’a souvent conduite à garder pour moi mes demandes par peur du refus, par peur d’être blessée, rejetée. Il m’est plus facile de dire oui, d’accepter. Il en résulte que je n’ai pas toujours été authentique et en cohérence avec mes besoins.
Si pour ma part, je retourne le refus contre moi, d’autres le retournent contre celui qui l’émet en l’attaquant, en s’imposant, en se mettant en colère.
La CNV propose une alternative à ces deux réactions pour accueillir un non avec bienveillance. Elle invite à recevoir les paroles de l’autre comme un message caché et non comme une attaque.
Quand il me dit non, à quoi il me dit oui ? Quel est son besoin ?
Voici le processus que je peux suivre pour continuer le dialogue :
1) A moi-même : « Qu’est-ce que ça me fait ce non ? comment je me sens ? »
La nature des sentiments renseigne si c’est une demande ou une exigence.
2) Vers l’autre : Accueillir avec empathie ce non.
« Est-ce que tu te sens … parce que tu as besoin de … ? est-ce que c’est cela ? »
3) J’exprime comment je me sens face à sa réponse et la nature de mes besoins.
4) Je reformule une demande. Le dialogue allant de ses besoins vers les miens reprend jusqu’à trouver une solution.
Et si je veux dire non à la demande de l’autre ?
Savoir refuser avec bienveillance
Pas toujours facile ! Pour certains, refuser ne pose aucun problème, mais ce n’est pas toujours fait avec bienveillance. Alors, comment dire non sans rompre le lien ?
Pour d’autres, qui ne veulent pas blesser, refuser est difficile voire impossible, et c’est alors envers eux-mêmes qu’ils manquent de bienveillance. Dire non, c’est savoir dire oui à ses besoins.
Une fois encore, je reprends le même processus :
1) Je me donne de l’auto-empathie.
Face à la demande de mon interlocuteur : « à quoi je veux dire non ? Quelles sont mes premières réactions ? Mes sentiments ? Mes jugements ?
Si je dis non, à quels besoins je dis oui ? »
2) J’accueille avec empathie la demande de cette personne.
« Quels sont ses besoins ? Est-ce que tu me demandes ça parce que tu as besoin de … ? »
3) J’exprime mon besoin.
4) Je formule une demande.
Retrouvez les 5 étapes pour une communication bienveillante en PDF.
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En conclusion
Tout cela reste des mots, de la théorie. Cette série de trois articles ne peut être plus qu’une simple introduction ou encore un rappel de ce qu’est la Communication Non Violente. Les principes de la Communication Non Violente nécessitent d’être vécus, entraînés pour pouvoir les intégrer à notre mode de pensée, à notre attitude. Je vous invite très sincèrement à vivre un stage pour expérimenter la puissance de cet art de vivre.
Pour approfondir le sujet :
– Enseigner avec bienveillance, Marshall Rosenberg
– Les mots sont des fenêtres (ou bien des murs) : introduction à la Communication Non Violente, Marshall Rosenberhg
– les stages organisés par des formateurs certifiés : http://www.cnvformations.fr
N’hésitez pas à partager vos commentaires et votre expérience !
Je lirai avec intérêt tous vos commentaires 🙂
Le mot de la fin vient du livre « Que se passe-t-il en moi ? » d’Isabelle Filliozat.
magnifique article, très clair
Merci