Facile à mettre en œuvre, cette activité nécessite peu de matériel et motive vraiment les élèves. Elle permet de nombreux apprentissages (langage, espace, formes…). Elle développe le raisonnement des enfants en les amenant à réaliser des relations chronologiques, spatiales et logiques.
- Description de l’activité
- Les formes
- La chronologie
- Le rapport à l’espace
- Les relations logiques
- Analyse du langage
J’ai découvert et pratiqué cette situation d’apprentissage aux côtés de Françoise Diuzet, en aide personnalisée, avec des élèves de Grande Section. Elle est adaptable de la Moyenne Section au CP.
Retrouvez une proposition de grille d’analyse du langage pour le jeu du matelas.
Téléchargez cette ressource en cliquant ici (PDF imprimable)
Description de l’activité
L’organisation matérielle
Deux tables sont séparées par un matelas. Les deux élèves, assis chacun à une table, ne peuvent ni se voir l’un l’autre, ni voir la table et le contenu de l’autre camarade.
Sur chaque table, un ensemble de formes est à disposition. Cet ensemble est exactement identique pour les deux élèves (même nombre, même couleur, même forme, même taille). Il est important de prendre le temps de compter, décrire, nommer les différentes formes, en début de la séance.
Les autres enfants du groupe ou de la classe sont assis en face d’eux et voient simultanément le contenu des deux tables.
On peut proposer cette situation en groupe classe, en petit groupe, ou encore en aide personnalisée.
3 rôles différents pour les élèves
1. Celui qui décrit
L’élève, volontaire pour commencer, positionne les formes sur la table comme il le souhaite. Certains construisent en hauteur, d’autres en plat, d’autres encore cherchent à représenter quelque chose. Le matériel choisit influe sur les réalisations.
Ensuite, il n’y touche plus (au risque de modifier sa réalisation) et la décrit à son camarade, caché derrière le matelas.
2. Celui qui réalise
L’élève écoute les consignes de son camarade et tente de refaire la même construction que lui. Il peut le questionner, le faire reformuler lorsqu’il a un doute, n’a pas entendu ou pas compris les indications données.
3. Les spectateurs
Pendant cette phase, le public est silencieux. Il observe le cheminement des deux élèves. Au début, il est difficile pour les spectateurs de rester neutre (ils veulent signaler une erreur, font des gestes, tentent de retenir un rire, une grimace).
Puis, lorsque les deux joueurs ont terminé, l’enseignant enlève le matelas. Les deux élèves comparent leurs réalisations, en silence et sans toucher. Les spectateurs, en revanche, prennent la parole pour décrire et surtout expliquer pourquoi, selon eux, c’est réussi ou différent.
Le rôle de l’enseignant
Pendant la première phase de réalisation, l’enseignant est silencieux et prend note des paroles de chacun des deux joueurs.
Lors de la seconde phase, le bilan, il distribue la parole et prend également en note les interventions des spectateurs. Il peut préciser et compléter, en se référant aux propos qu’il a notés, et termine en faisant une très courte synthèse reprenant les termes et notions les plus importants.
Il est très intéressant de vivre soi-même la situation pour bien en comprendre les enjeux.
L’enseignant peut donc envisager de jouer pour découvrir la situation, puis par la suite, pour pouvoir y formuler des notions qu’il souhaite enseigner. (sans oublier pour le plaisir des élèves et le sien !)
Je propose maintenant un rapide mais nécessaire aperçu des apprentissages en jeu, grâce à cette activité.
Les formes
Le choix des formes va influer sur les productions des élèves et donc sur le langage employé.
On peut faire varier :
– les formes
– les dimensions (en 2D ou en volume)
– les couleurs
– les tailles
– le nombre
C’est plus facile quand il y peu d’éléments et quand ils sont facilement différentiables et identifiables. Une couleur différente pour chaque forme permet à l’élève qui ne maîtrise pas encore le nom des formes géométriques de retrouver la forme. Des couleurs, des tailles et des formes différentes permettent de se repérer plus aisément dans la description.
A l’inverse, j’ai testé avec des CP des réalisations avec des Kaplas. Toutes les formes sont identiques. L’élève doit alors trouver d’autres manières (autre que la couleur, la forme, la taille) pour identifier les éléments dont il parle. Pour cela, il utilise une description spatiale et chronologique pour différencier les kaplas les uns par rapport aux autres (le premier kapla, le kapla qui est allongé devant…).
C’est l’occasion également de proposer des formes géométriques qui ne présentent pas toujours une forme prototypique (ex : le triangle en forme de montagne). Proposons différentes formes de carré, de rectangle, de triangle.
Source pour les 3 photos: pichon.fr
La chronologie
L’ordre dans lequel a été positionné les éléments n’est pas anodin. Il doit donc être pris en compte dans la description des actions à réaliser. Imaginez, par exemple, une construction en hauteur : comment la réaliser si l’élève commence par décrire les pièces du dessus ?
D’autre part, cette organisation temporelle, lors de la description, est importante pour que l’élève prenne en compte chaque élément, sans en oublier, ni se répéter, au risque, sinon, de déstabiliser l’élève qui reproduit.
Le rapport à l’espace
L’élève peut décrire les éléments de sa construction par rapport :
– à soi : « tu mets le carré vert devant toi »
– à la table : « tu mets le petit triangle en haut de la table »
– à l’espace de la classe : « tu mets le cylindre du côté de la fenêtre. »
– les éléments les uns par rapport aux autres : « tu mets le rond sur le carré. »
– l’orientation de la forme : « allongé », « debout »
Pour celui qui reçoit le message, il s’agit de positionner la forme en fonction de ce qu’il en comprend.
Les spectateurs, quant à eux, ne sont pas orientés dans le même sens que les deux joueurs. Ils découvrent ainsi la notion de point de vue dans l’espace. Par exemple, le « devant » pour les joueurs correspond au « derrière » pour les spectateurs. Cela demande une décentration de la part des élèves qu’ils acquerront sur le long terme (à partir de 6-7 ans).
Il existe plusieurs types de relation spatiale possible :
– relation de localisation : devant/derrière, à droite/à gauche, sur/sous, en haut/en bas
– relation de voisinage : loin/près de, à côté
– relation d’inclusion/exclusion : au milieu, à l’intérieur/à l’extérieur, dedans/dehors
– relation de continuité : à la limite, au bord, collé
– relation d’ordre et de succession : en avant, au début, au bout…
Les stades de la structuration de l’espace : document de l’académie de Grenoble
Les relations logiques
La deuxième phase, celle du bilan par le public, est tout aussi importante que la phase de description/construction.
Les élèves spectateurs vont s’exprimer pour nommer l’erreur (les différences entre les deux productions) et l’expliquer.
Ils développent des liens logiques entre ce qui a été dit, ce qui a été interprété et les conséquences. Ils font des aller-retours entre ce qu’ils voient et ce qui s’est passé avant et qui justifie le résultat.
Ils apportent une nouvelle formulation pour corriger l’erreur.
Ils peuvent aussi émettre des hypothèses (« si tu avais dit… »).
Analyse du langage
Une grille d’analyse
Ces quatre objectifs, décrits précédemment, nous guident : ils orientent nos interventions et notre analyse des propos des élèves.
Compétences | Langage à observer (exemples) |
Chronologie des actions | Connecteurs temporels en premier, ensuite, et après |
Repérage dans l’espace | Connecteurs spatiaux devant/derrière, dessus/dessous, à côté, entre |
Propriétés des formes | Nom des formes : cylindre, carré Orientation des formes: allongé, debout Couleurs et tailles |
Relations logiques | Causes/effets : Parce que Hypothèses : si |
Point de vue | Peut-être, il ne savait pas, elle n’a pas dit, elle a oublié, il aurait dû… |
Retrouvez cette grille au format PDF pour une analyse des propos de chaque élève.
Téléchargez cette ressource en cliquant ici (PDF imprimable)
Analyser le langage de l’élève : un article à lire sur le blog Soizikel pour mieux comprendre tout l’enjeu de cette pratique.
Des paroles d’élèves de Grande Section
Ceux qui décrivent :
« Devant toi tu prends le violet et tu l’ mets devant toi. Après tu mets le vert dessus et tu le tournes une fois ; tu prends le jaune, tu l’ mets au milieu, dessus le vert. Tu mets le bleu sur le jaune et tu le tournes une fois. Ensuite tu prends le rouge et tu le mets sur le bleu ; et tu mets le carré rouge sur le rouge. »
« C’est moi qui te dis ; alors tu prends ton rond violet , tu le mets debout devant toi sur la table ; tu prends l’aut’ couleur bleue, très grande et tu la mets allongée sur la table ; après tu prends ton rond violet , tu le mets sur la table debout ; après tu prends ton cube rouge et tu le mets sur le violet. »
Ceux qui construisent en fonction du message entendu :
« Tu m’as fait trompé. Elle m’a dit où ça se met le triangle et le rectangle, que ça se met en bas et le rectangle. »
« J’arrive pas à faire parce que je sais pas ce que ça veut dire. »
« C’est trop dur parce que je peux pas les mettre dessus. »
Les spectateurs :
« Le bleu, il était pas devant le vert, il était de l’aut’ sens et derrière ; elle aurait dû dire : mets-le devant et tourne dans l’ aut’ sens. »
« Parce que … peut-être parce que elle savait pas c’était le carré rouge. »
« Elle a pas mis le carré jaune sur le côté, à gauche au fond d’ la table ; parce que elle a pas dit : mets le devant la table. »
« Elle oublie de dire les formes. »
Merci pour cet article
Super l’idée des observateurs, je n’avais jamais joué de cette manière.
Merci 😉
Je connaissais déjà cette activité là; et ce qui me fait rire, c’est que j’aurais pas du tout penser à reflechir avant au materiel proposé! toute enchantée par l’idée des autres apprentissages (point de vue, chronologie, .. ) le « détail » de savoir si les enfants savent nommer les formes, qu’ils peuvent les différencier par leur couleur et tout, hahaha ! je m’en serais pas occupée.
Pourtant je devrais savoir, à force, que justement souvent je foire des activités parce que j’ai zappé … les fondations ! 😀