La théorie de l’attachement

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C’est lors d’un stage à La Ferme des Enfants, que j’ai pris conscience de l’enjeu de la théorie de l’attachement. C’est l’un des premiers éléments abordés par Sophie Rabhi-Bouquet. La bienveillance est au coeur de sa pédagogie. Selon elle, créer une relation bienveillante avec l’enfant commence par nourrir les besoins de ce dernier dès la naissance. Et le besoin d’attachement est pour lui primordial.

Plus tard, pendant le stage, Stéphanie, une stagiaire, nous en a appris davantage sur cette théorie lors d’ateliers d’échange de savoirs. Elle travaille dans le domaine de la protection à l’enfance et s’est formée auprès de Jeanne d’Arc Roy, une psychologue québécoise. Pour elle, la théorie de l’attachement est une grille de lecture des comportements des enfants et des parents, et l’aide quotidiennement lors des échanges avec les familles.

L’hypothèse est que la qualité du lien d’attachement influence le sentiment de sécurité affective de l’enfant, sa confiance en lui, sa capacité à explorer ainsi que ses relations sociales. C’est dire tout l’enjeu de l’attachement !

Dans cet article, je partage avec vous ce que j’ai appris sur ce sujet passionnant !

Qu’est-ce que l’ « attachement » ?

L’être humain a besoin de l’autre pour survivre. C’est pourquoi il s’attache biologiquement à la naissance, grâce aux réactions hormonales et aux connexions neuronales notamment. L’attachement primaire se fonde dans les huit premiers mois de notre vie : il est fondateur. La nature s’assure de la survie de l’espèce par le biais de cet attachement fondateur.

Bowllby, qui a théorisé l’attachement, le définit ainsi: « C’est un lien affectif durable d’un enfant envers un adulte qui en prend soin et qui se manifeste notamment par divers comportements permettant à l’enfant, dans les moments de détresse surtout, d’interagir avec l’adulte. »

Une autre façon de le dire: l’enfant a besoin d’établir un lien stable et sécurisant avec un adulte qui répond à ses besoins de soin et de sécurité. L’attachement résulte des comportements de l’enfant recherchant la proximité physique de cette personne spécifique.

L’attachement n’est pas amour.

Il s’agit de l’attachement de l’enfant vers le parent et non l’inverse. L’enfant crée un lien d’attachement envers l’adulte. L’adulte crée un lien de soin envers l’enfant. Le fait que les bébés se tournent plus vers la mère que vers le père n’a rien à voir avec l’amour mais avec la construction du lien d’attachement.

L’enfant dépend de l’adulte donc il va adopter des comportements pour faire agir son parent. La manière dont le parent va y répondre déterminera la qualité du lien.

5 comportements d’attachement:

  • les pleurs qui prennent aux « tripes » de l’adulte
  • l’agrippement pour maintenir la proximité avec l’adulte
  • la poursuite pour maintenir la proximité avec l’adulte
  • les sourires et les vocalises
  • la succion qui apaise

La réponse de l’adulte est adaptée aux comportements d’attachement de l’enfant si elle répond aux 4 critères suivants:

  • elle est rapide
  • elle est chaleureuse
  • elle est cohérente
  • et elle est prévisible

L’attachement n’est pas dépendance.

Répondre aux besoins d’attachement de l’enfant, c’est lui permettre de se sentir en sécurité pour qu’il puisse prendre son indépendance. Lorsque les besoins d’attachement sont satisfaits, l’enfant peut s’éloigner en toute sécurité. Il peut partir explorer le monde car il sait que sa figure d’attachement sera présente en cas de besoin.

De manière schématique, on peut distinguer trois niveaux dans notre cerveau:

Le cerveau pensant

Le cerveau mammalien (les émotions et le stress)

Le cerveau reptilien (les réflexes et l’instinct de survie qui sont toujours aux aguets)

Pour accéder au cerveau pensant, il faut se sentir bien dans les cerveaux mammaliens et reptiliens. On comprend alors qu’un enfant « sécure » accèdera plus facilement aux apprentissages qu’un enfant « insécure » qui utilisera son énergie pour nourrir ses besoins de sécurité.

La figure d’attachement

La figure d’attachement est la personne qui répond au mieux aux besoins de sécurité de l’enfant. C’est la personne vers laquelle l’enfant dirigera ses comportements d’attachement.

Un enfant en situation de stress se tourne vers sa figure d’attachement: peur, douleur, maladie, séparation ou crainte de séparation. Quand, par exemple, un enfant tombe et se blesse dans la cour à la sortie de l’école, il est intéressant de regarder vers qui il se dirige. S’il ne se dirige pas vers son parent, cela peut révéler un problème.

4 stades dans le rapport du jeune enfant à sa figure d’attachement

0 à 3 mois Pré-attachement: le bébé ne distingue pas les adultes.
3 à 6 mois Le bébé a une figure d’attachement principale.
6 mois à 24/36 mois Le jeune enfant témoigne d’un attachement franc et sélectif. (Il refuse par exemple que le papa donne le biberon.)
3 à 4 ans Attachement différencié: l’enfant a une figure d’attachement principale et jusqu’à 5 figures d’attachement secondaire.

La figure d’attachement primaire est généralement la mère.

4 types d’attachement

Type d’attachement

Attitudes de la maman

Attitudes de l’enfant

Sécurisant La maman répond immédiatement, de façon appropriée et cohérente. C’est la « Maman Kangourou ». « Maman m’aime. Je suis digne d’être aimé(e). J’ai confiance en moi. Je suis relié(e) à mes émotions, je peux les montrer. »

Si l’enfant pleure au moment de la séparation, cela ne signifie pas forcément qu’il est insécure. Il peut simplement manifester son attachement au départ de sa maman.

Insécurisant évitant La carapace de la maman l’empêche d’être pleinement disponible. Elle n’apporte peu ou pas de réponse à l’enfant stressé. Elle n’est pas à l’aise avec ses émotions et le contact physique.

C’est la « Maman Tortue ».

« Je dois m’adapter à ma maman. Pour la ménager, je mets de côté mes émotions. Je suis digne d’être aimé(e) si je m’adapte à l’autre. Je manque de confiance en moi. J’ai besoin d’aller voir à l’extérieur pour me nourrir: je « surexplore », j’aide les autres, je fais plein d’activités… »

L’enfant s’est habitué à se déconnecter de son ressenti. Pour lui, l’autre n’est pas une ressource. Il recherche peu d’échanges affectifs.

Insécurisant ambivalent / résistant La maman est toujours occupée, elle s’affaire, elle s’agite. Parfois elle répond aux demandes de l’enfant, parfois non. Ses comportements sont imprévisibles.

C’est la « Maman Singe ».

« Maman, je t’aime, je te veux et en même temps je suis en colère contre toi. Pour capter ton regard, il faut que je m’agite: je pleure fort, je me mets en danger… Je n’ai pas du tout confiance en moi, je ne suis pas digne d’être aimé.»

L’enfant est inquiet et vigilant sur ce qui se passe et va se passer. Il s’accroche, se colle, demande de l’attention, stresse quand il y a séparation. Une fois qu’il a la proximité de la maman, il résiste car l’attitude n’est pas spontanée ou pas au bon moment.

Insécurisant désorganisé Les comportements de la maman sont imprévisibles. Elle a peur et fait peur. Elle peut faire preuve de maltraitance, d’agressivité. Les rôles sont confus.

C’est la « Maman Hérisson ».

« Je ne suis pas digne d’être aimé. L’adulte est une menace. »

L’enfant n’est pas tranquille, il est hors de contrôle de lui-même. Ses comportements sont désorientés. Ses actions nécessitent l’attention des adultes. Il n’explore pas du tout. Il ne supporte pas le contact physique.

Chaque maman a en elle une part de « kangourou » !

Qui était notre figure d’attachement ? Quel était notre type d’attachement ?

La théorie de l’attachement touche toutes les relations: à soi et aux autres. Notre propre type d’attachement a un impact dans notre vie personnelle et professionnelle.

À force de constater la façon dont la figure d’attachement répond à ses besoins de sécurité, le bébé se forge un schéma mental lui permettant d’anticiper les interactions futures. Ce schéma mental (Modèle Interne Opérant) se construit au fil des âges et des interactions avec l’entourage familial. Selon la théorie de l’attachement, il nous guide toute notre vie. Certaines études montrent également une transmission intergénérationnelle du type d’attachement.

Quelles attitudes adoptées pour les figures d’attachement ?

  • être à l’écoute et répondre aux besoins de l’enfant de manière rapide, adéquate, chaleureuse et prévisible
  • accueillir le besoin d’attachement de l’enfant: accepter ses comportements de pleurs, d’agrippement… (un enfant ne fait pas de caprice, il manifeste un besoin)
  • lui montrer de l’empathie
  • encourager et soutenir son exploration
  • respecter son rythme de développement
  • l’aider à vivre ses émotions : les reconnaître, les nommer, les accueillir sans se laisser submerger par ses propres émotions

Et plus spécifiquement:
– Pour les enfants « tortues »: reconnaître leurs émotions et mettre des mots dessus.
– Pour les enfants « singes »: les rassurer en les serrant dans les bras; jusqu’à 3-4, les bercer.

Vive les câlins !

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Prendre dans les bras rassure et diminue le niveaux d’hormones de stress.

Un câlin de 20 secondes libère une hormone appelée « ocytocine » qui favorise la sensation de bien être. Prescription: plusieurs câlins par jour pour que l’enfant grandisse et se sente bien !

Une astuce de Jeanne d’Arc Roy : Poser sur la table du salon « Le petit livre des gros câlins ». L’enfant pourra se saisir du livre pour oser demander un câlin, si par exemple, dans sa famille, le contact physique est évité. On y trouve des consignes amusantes comme par exemple: « Toute la famille sur le canapé pour un gros câlin! » Le livre devient prétexte, à condition que les parents ne refusent pas !

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L’importance des premières années de vie

Le fait pour un enfant de n’avoir pas pu s’attacher à une personne spécifique pendant les trois premières années, pour Bowlby, et seulement la première année pour d’autres psychologues, entraînerait une inadaptation sociale.

Les enfants victimes de maltraitance, de négligence sévère ou placés dans de multiples foyers, manifestent des troubles de l’attachement sévère: soit une incapacité à engager des interactions sociales ou à y répondre de façon appropriée; soit une incapacité à faire des attachements sélectifs.

Cependant, une personne, autre que les parents, peut compenser, aider à réparer un manque d’attachement. C’est ce qu’Alice Miller appelle un « témoin lucide » et Boris Cyrulnik « un référent ». Un enfant peut construire un lien d’attachement auprès de sa famille d’accueil.

Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, cette théorie amène à défendre le droit à un congé parental plus long. Elle montre l’importance de ne pas se séparer de son bébé, au moins pendant la première année, pour éviter de rompre le lien.

Théorie des pulsions VS Théorie de l’attachement

Sophie Rabhi-Bouquet nous a présenté une comparaison très intéressante réalisée par Isabelle Filliozat en 2011. En voici les grandes lignes:

Education conventionnelle

Education bienveillante

Théorie des pulsions (Freud)

Théorie de l’attachement (Bowlby)

Psychanalyse

Ethologie

Poser des limites, freiner les pulsions

Nourrir les besoins

Cette comparaison m’a fait réaliser à quel point une théorie peut guider nos comportements, à quel point celle de Freud à orienter notre éducation. Cela rappelle également que les théories sont une manière d’interpréter la réalité; elles sont l’objet de remises en cause et heureusement !

Par ma part, je pense que la théorie de l’attachement apporte une grille de lecture intéressante des comportements humains. A partir de là, cela oriente nécessairement ma réflexion et mes actions.

Partagez vos commentaires, vos lectures

et vos expériences ci-dessous pour enrichir l’article !

9 réflexions sur « La théorie de l’attachement »

  1. Je suis un total partisan de la théorie de l’attachement !

    Mes parents et notamment ma mère m’ont donné tout leur amour chaque jour comme s’il n’y avait pas de lendemain et je suis persuadé que ça a construit ma solidité psychique et plus tard mon mental de sportif qui m’a permis d’atteindre quelques médailles, cqfd !

    Aujourd’hui, avec ma femme, nous essayons de renouveler cet attachement avec nos enfants qui, je pense, leur sera propice pour s’épanouir dans leurs vies.

  2. Merci pour ce partage qui m’offre une nouvelle lecture de ma construction et m’invite à une nouvelle perception des attitudes de mes enfants.

  3. Bonjour,
    Merci pour cette synthèse de la théorie de l attachement .. je suis en phase de questionnement : j essaie d être bienveillante avec ma petite fille de 2 ans et demi … je suis loin d être une maman parfaite (je crie, je perds patience etc..) mais j en ai conscience et essaie de faire au mieux .. néanmoins depuis que ma fille pleure / hurle à chacun de mes départs de la créche (a priori tout se passe TB, une fois l orage passé, selon les maitresses..), j en reviens a remettre en cause le type d attachement (et donc de détachement) que j ai pu lier avec ma fille. Je pense être une maman kangourou avec quelques traits de maman singe : ma fille pleure lorsque j annonce que je pars (quand nous sommes à la creche), les matins elle s inquitete de savoir s il y a école (creche), elle me dit qu elle ne veut pas aller à l école (creche) (« tu ne pars pas hein ? » me demande t elle) et en meme temps, elle adore me retrouver quand je vais la chercher à l école….. qu en pensez vous ? est ce « normal » ou non « anormal » de tant pleurer sa maman ? d avoir tant de mal à se détacher de moi ? dans la théorie de l attachement, est il aussi question du « détachement » ??
    merci et un grand bravo pour le blog et le projet
    patricia

    1. Bonjour Patricia,
      J’imagine que cela vous bouleverse de voir votre enfant pleurer.
      Je ne suis pas spécialiste de ce sujet. Je pense que différentes causes peuvent expliquer cette difficulté à se séparer.
      Cependant, je reprendrai la phrase suivante: « Si l’enfant pleure au moment de la séparation, cela ne signifie pas forcément qu’il est insécure. Il peut simplement manifester son attachement au départ de sa maman. »
      Je vais approfondir le sujet. Désolée de ne pouvoir vous apporter une réponse plus éclairée.
      Bien à vous,
      Cécile

    2. Bonjour Patricia.
      Allez voir du côté de la mère suffisamment bonne de D. Winnicott.
      Vous verrez, être une mère parfaite n’est pas le mieux pour l’enfant.
      Personnellement cette théorie m’aide tous les jours …
      Hélène

  4. Bonjour! Je suis extrêmement contente que tu ais apprécié cette intervention et que tu en parles dans ton article!
    Bonne continuation à toi.
    STéphanie

  5. J’ai lu et relu et je suis sans voix!! J’ai donc vécu cet amour sans m’en rendre compte et je suis fière de constater que d’autres prennent en considération les câlins et l’affection. Merci

  6. Bonjour,

    A 38 ans, j’ai découvert que j’avais un attachement évitant suite à une psychothérapie.

    Je me sentais très seule dans ma vie de couple. Mon mari n’était jamais là.

    En revisitant mon parcours, je sais que j’ai été séparée trois semaines de ma maman à la naissance. Pendant ces trois semaines, mes parents venaient me voir derrière une vitre d’hôpital. Aujourd’hui, les maternités ne fonctionnent plus ainsi et heureusement. Des contacts journaliers peau à peau sont mis en place entre les parents et leur bébé pour que se crée cet attachement.

    Moi, je sais que quand mes parents m’ont récupérée, j’ai pleuré jours et nuit jusqu’à mes 18 mois.

    Les impacts sont importants dans la vie adulte.

  7. Bonjour
    Quand on a été abandonné par sa mère et que le père a été en dessous de tout, qu’elle est la théorie?
    Je suis quelqu’un qui n’a pas confiance en elle, qui a énormément de mal à aller vers les gens. Je suis très à l’écoute, hypersensible, ne supporte pas l’injustice.
    Mais j’ai conscience de mes manques. Suis déjà allée voir psy.
    J’ai eu un enfant jeune, qui a 20 ans aujourd’hui. Un besoin de créer le lien que je n’ai pas eu? Sûrement. Un deuxième bébé qui vient de naître. Pour lesquels je suis une maman « kangourou » indéniablement.
    Je croyais déjà en la théorie de l’attachement sans même en avoir connaissance.
    Maintenant je sais l’expliquer et je me comprends un peu mieux.
    Merci

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